St-Romain, patron du Prieuré, naquit à Rome. Un certain nombre de martyrs exécutés à Rome, ont pris le nom de Romain quand leur véritable nom n'a pas été connu, St-Romain de Brou est-il du nombre de ces derniers ?

A une époque inconnue mais fort ancienne cependant il était du monde de ceux qui assistèrent au supplice de St Laurent, touché de la constance de ce Saint, il fût converti et baptisé quelque temps après.
IL fit profession publique de la religion catholique et souffrit lui-même le martyr avec plusieurs de ses compagnons. Maintenant comment se fait-il que le chef de ce saint se trouve aujourd'hui à Brou et par quel hasard fut-il apporté de Rome ?.
Une charte tirée de l'Aganon Vétis ( manuscrit écrit par Paul, moine vers l'an 1050 ), traduite par le notaire apostolique de St-Père et envoyée à Brou en 1620, à la demande du prieur de Brou, nous éclairera à ce sujet . La copie est précédée de la délibération suivante qui ne manque pas d'intérêt.

" À tous ceux que ces présentes lettres verront, les religieux prieurs de l'abbaye de St-Père en vallée de Chartres, ordre de St-Benoît, Salut ! Scavoir faisons que capitulairement et légitimement assemblé, il nous a esté présente une supplique par Nicolas Langlois, Chevallier, seigneur de la Regarderie, comme fondé de pouvoirs et procuration de vénérable père en Dieu, François de Montmorency, Abbé de Moleame et prieur commanditaire du Prieuré de St-Romain-de-Brou, diocèse de Chartres et de la dépendance de notre abbaye. Par. lequel il nous exhorte à vouloir bien communiquer et souffir que l'on cherche dans les titres, papiers et documents de notre Abbaye s'il n'y est point parlé du chef de st-Romain et de son bienheureux compagnon St-Laurent qui a été autrefois dans la chapelle de ce prieuré, sur l'autel de laquelle il est exposé à la vénération des fidèles et que les habitants de ce lieu ont toujours assuré être le véritable chef de St-Romain, afin que cela bien certifié, les chrétiens puissent avec foy honorer cette sainte relique et mieux en faire la feste".

Nous, religieux, prieur du couvent ci-dessus, nous conformant aux pieuses instances de ce St-Abbé et désirant comme lui, manifester la gloire de Dieu, dans ses saints, cherchant et parcourant les titres du Trésor de ceste abbaye, nous y avons trouvé certain livre communément dit "Aganon", nom propre, composé de 96 feuillets de velain, entre lesquels se voient plusieurs estampes représentant le sacrifice d'Abraham ; lequel contient les actes des fondations, et dons faicts à cette abbaye et à toutes les Églises en dépendantes, livre recommandable par sa grande antiquité, ainsi qu'en faict le caractère très ancien couvert de lames d'argent, orné de pierreries précieuses du 3ème ou 4 ème feuillet, duquel nous avons extrait et fidèlement fait transcrire la description faicte par le moine Paul, de la manière dont le chef de st-Romain a esté apporté de Rome en ce lieu par un certain pèlerin, Breton de nation :

" Je ne dois pas passer sous silence (c'est le moine Paul qui parle ), la manière dont le Chef du bienheureux martir St-Romain a esté apporté de Rome dans ce prieuré qui en a pris le nom; enfin, comment après estre tombé dans l'oubliance assez longue espace de temps, il a été retrouvé et exposé à la vénération des peuples. "
Comme dans ces derniers temps Labadinus (Landry) étant alors abbé de ceste abbaye sitôt qu'on eut commencé à rétablir les bâtiments de ce lieu qui tombaient en ruines, le peuple y revint prier avec plus de fréquence. Les moines qui habitaient ce Monastère, alors fort restreint et seulement bâti en bois résolurent de le reconstruire en pierres et de lui donner plus d'étendue ; pour cela ils firent creuser la terre pour en sceller les fondements. Mais avant de raconter l'invention du chef de St-Romain (c'est Paul qui parle), il est nécessaire de dire comment et par quelle occasion ce saint, par permission divine, voulut que son corps fut apporté en ce lieu par un Pellerin breton.
Certain riche gentilhomme de la Haute Bretagne, nommé Paulis, touché de la grâce, le cœur pur et autant brillant de la grâce de Dieu, qu'il avait été autrefois attaché et passionné aux biens de ce monde, ardent à les rechercher et souillé de crimes dont il n'avait pas été lavé et purifié par les eaux du baptême, désirant et méditant de sacrifier les mêmes biens à la gloire du très Haut, en les employant à la construction d'un temple où il serait adoré sous l'invocation de quelque martire dont-il pourrait recouvrer les reliques. Pour exécuter ce pieux dessain, sur ce qu'il entendait dire à tous que la ville de Rome possédait par excellence sur toutes les villes du monde, un nombre innombrable de ces saintes Reliques des martires, dépêcha aussitôt et sans aucun retard un de ses plus fidèles domestiques, Morice, homme très chaste et de mœurs simples et religieuses, afin qu'il tachant de quelque manière que ce pust être, de les lui apporter. Ce pieux messager étant arrivé à Rome, y demeura 3 ans sans pouvoir remplir l'effet de son message et du dessein de son maître, et sans oser en découvrir le secret à personne, résolut de m'en retourner sans rien faire i il tomba malade. Son hôte se doutant que son mal ne provenait que d'un chagrin dont-il le voiait affecté, lui demanda la cause qu'iant sceu, il y apporta un prompt remède, en donnant à Morice le sacré chef de St-Romain qu'il avait eu d'un certain Archimandriction. Ce pellerin aiant enveloppé ceste teste sacrée, ornée de ses cheveux, dans un linceul blanc, la mit dans son sac et, après avoir donné et reçu de son hoste le baiser de paix, se hâta de sortir de Rome et de s'en revenir dans son pays. Il fit d'abord son chemin assez heureusement. Mais lorsqu'il fût arrivé à Brou, et qu'il eut passé la rivière d'ôzanne qui arrose la muraille, Dieu permit qu'il tombast derechef malade, qu'il mourut et ainsi qu'il en avait régné, il fût inhumé auprès de l'Église du prieuré, avec le chef qu'il portait, de sorte que ce trésor donné par Dieu à cette province y demeura pendant un très long temps inconnu et caché jusqu'à ce que, comme je l'ai dit plus haut, par permission de la divine providence. Les moines qui occupaient alors le monastère pour le rendre plus célèbre par son accroissement et sa nouvelle construction et satisfaire aux peuples qui y venaient prier et que pour cela contribuèrent charitablement de leurs libéralités, en firent jeter les fondements et trouvèrent ce trésor caché, sans y penser. Voici comment la chose arrivé sitôt que l'on eut commencé à creuser la terre on trouva le corps de Morice et après ce corps le sac dans lequel était le Chef du bienheureux St-Romain. celui qui en fit la découvert n'était pas digne sans doute de toucher une si sainte relique, voulant la lever de terre, se trouve, avant même qu'il l'eust touchée, privé de la lumière du jour et devint aveugle. Ce fait surnaturel et miraculeux aiant attiré quantité de personnes, les religieux qui y vinrent chantant les louanges du seigneur, levèrent le corps et avec luy la saincte relique dont les cheveux qui s'étaient conservés très entiers firent connaistre que c'était celle du Martire St-Romain, et à mesure qu'on la levait, il en exhalait une odeur si douce et si suave qu'il semblait aux assistants qu'elle venait du ciel. Ce faict (ajoute Paul), je ne l'ai pas vu, mais celui qui me l'a raconté, il le tenait de AGOBERT, pour lors archiprêtre et depuis évesque de Chartres qui l'avait vu et y avait assisté. Labadinus ou Landinus dont nous avons parlé, fût le sixième abbé de cette abbaye depuis sa restauration annoncée dans l'Aganon et du temps de Théodore, successeur de Fulbert à Chartres, l'an de grâce l029, reignant alors Henry, premier fils de Robert. Tout ceci est tiré de nos pencartes, en foy de quoy, nous avons en vertu de l'arrêt du Roy, enregistré, en l'une et l'autre cour, donné ces lettres signées : Mre. Banet, notaire apostolique, secrétaire du palais épiscopal et de nostre abbaye.
Donné à Chartres, l'an de grâce 1620, le 29 Mars .

sources : :Paul Chantegrain, Notice historique sur la ville et baronnie de Brou, 1877, Société archéologique